L’INSCRIPTION DE LA PRODUCTION PORCINE
DANS LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
Québec, le 30 octobre
2003 – Dans son rapport principal intitulé
L’inscription de la production porcine dans
le développement durable rendu public
aujourd’hui par le BAPE à la demande
du ministre de l’Environnement, M. Thomas J.
Mulcair, la Commission fait part de l’analyse
et de la réflexion qu’elle a faite à
la suite de sa consultation publique.
La Commission constate que l’évolution
de la production porcine, au cours des trois dernières
décennies, a fait surgir des conflits sociaux
locaux nombreux et diversifiés qui tendent
à s’intensifier et à s’élargir
à l’ensemble de la société
québécoise. Cette production provoque
des impacts écologiques, principalement attribuables
à la pollution diffuse, qui sont difficiles
à mesurer mais dont l’existence est indéniable.
Afin d’assurer sa compétitivité,
le secteur de la production porcine a constamment
amélioré sa productivité en adoptant
les récentes innovations technologiques. Cette
évolution a conduit à la spécialisation
des entreprises, à une diminution importante
de leur nombre et à une augmentation significative
de leur taille. Le secteur de la production porcine
au Québec a saisi les occasions de croissance
et a su satisfaire les exigences des consommateurs,
à l’échelle domestique comme à
l’échelle internationale.
Bien que l’inscription de la production porcine
dans le développement durable ne soit pas acquise
actuellement, la Commission est d’avis qu’il
est possible d’y parvenir. Selon elle, tous
les systèmes ou modèles de production
peuvent contribuer au développement durable.
Toutefois, pour atteindre cet objectif, la production
porcine devra être le fruit d’une concertation
entre les producteurs eux-mêmes, les résidants
des communautés rurales, les élus des
différents paliers et les organismes et institutions
mis en cause. En même temps, elle devra poursuivre
les trois dimensions du développement durable,
à savoir le respect du milieu écologique,
la viabilité économique et l’harmonie
sociale. Elle devra s’inscrire dans un processus
continu d’adaptation et d’innovation où
l’innovation technique, tant sur le plan de
la production que sur le plan de l’environnement,
et l’innovation sociale jouent un rôle
déterminant. Pour assurer la pérennité
de ce secteur de production, des gestes concrets doivent
être posés à court, moyen et long
terme.
Sur le plan social, malgré les efforts déployés
par l’État québécois pour
constituer un cadre juridique adéquat afin
d’intégrer le développement de
la production porcine dans un processus social plus
harmonieux, le malaise social actuel montre que la
solution préconisée n’est pas
suffisante. La Commission est d’avis qu’il
est impératif de changer le cadre de décision
relatif à la production porcine pour régler
les énormes tensions sévissant dans
le milieu rural et, ainsi, éviter la crise
sociale. D’ailleurs, la Commission croit qu’il
serait périlleux, sur le plan social, de lever
le moratoire, même à l’extérieur
des zones d’activités limitées,
tant que des gestes concrets ne seront pas posés
en ce sens. Par conséquent, il est urgent d’agir
afin d’éviter que le moratoire ne se
prolonge de manière indue et que la compétitivité
des entreprises et du secteur de la production porcine
ne soit menacée.
La Commission recommande, notamment, deux mesures
qui devraient être mises en place rapidement
et qui lui paraissent indispensables pour rétablir
la paix sociale et l’acceptabilité sur
le plan social à l’égard de la
production porcine. Ainsi, il est proposé de
mettre en place un processus d’analyse des répercussions
environnementales et sociales faisant appel à
la participation du public pour tous les projets d’implantation
de porcherie soumis à l’obtention d’un
certificat d’autorisation par le ministre de
l’Environnement. Ce processus serait applicable
dans le cas où un projet de production porcine
ne sera pas assujetti à la procédure
d’évaluation et d’examen des impacts
sur l’environnement prévue aux articles
31.1 et suivants de la Loi sur la qualité
de l’environnement. La Commission recommande
également de limiter aux pratiques agricoles
normales, la protection contre les poursuites civiles
accordée aux producteurs agricoles en ce qui
concerne les odeurs, les poussières et les
bruits inhérents aux activités agricoles.
À cette fin, la Commission recommande qu’un
organisme décisionnel spécialisé
soit chargé d’intervenir à la
suite d’une plainte et de mettre en place un
processus de conciliation obligatoire ou, en cas d’échec
de la conciliation, d’imposer une décision
arbitrale.
D’autres actions pourraient être entreprises,
dans la perspective, là encore, de favoriser
l’harmonie et l’acceptabilité sur
le plan social de la production porcine au Québec.
Ainsi, tout en reconnaissant l’importance de
favoriser, en zone agricole, l’utilisation prioritaire
du sol à des fins d’activités
agricoles ainsi que le développement d’activités
agricoles, la Commission est d’avis qu’il
est primordial que l’aménagement du territoire
en zone agricole soit réalisé en tenant
compte des particularités de chacune des MRC
du Québec. De ce fait, la Commission est d’avis
que le gouvernement doit permettre à la MRC
de jouer pleinement son rôle quant au développement
et à la planification des activités
agricoles sur son territoire. Pour favoriser une meilleure
planification de l’emplacement des installations
d’élevage porcin, des lieux d’entreposage
des déjections ainsi que des activités
d’épandage, une plus grande latitude
devrait être accordée aux autorités
municipales afin qu’elles puissent adapter,
aux particularités de leur territoire, les
paramètres pour la détermination des
distances séparatrices relatifs à la
gestion des odeurs en zone agricole contenus dans
les orientations du gouvernement en matière
d’aménagement du territoire en zone agricole
de 2001. De plus, la Commission est d’avis que
le zonage des productions est une méthode appropriée
pour planifier l’aménagement de la zone
agricole et pour assurer la cohabitation harmonieuse
entre les différents usages en zone agricole.
La Commission est d’avis qu’il est essentiel
d’assurer aux populations touchées une
information rigoureuse et transparente sur l’état
des risques pour la santé associés à
la production porcine. Dans l’état actuel
des connaissances en santé publique, la Commission
est d’avis que les données disponibles
ne sont pas suffisamment précises et scientifiquement
fondées pour interdire la production porcine
au Québec, en recommander l’abandon,
ou pour proposer des normes de distance séparatrice.
C’est pourquoi la Commission recommande, notamment,
la réalisation d’études sur les
taux d’exposition des populations aux contaminants
atmosphériques dans les milieux à forte
concentration de production porcine, de même
qu’une étude épidémiologique
sur l’impact de la pollution de l’air
provenant d’activités de la production
porcine sur la santé des populations exposées.
Sur le plan économique, la révision
du programme d’assurance-stabilisation des revenus
agricoles (ASRA) est une des conditions importantes
du développement durable de la production porcine.
La Commission recommande que ce programme, dont les
compensations sont basées sur le volume de
production, soit remplacé par un régime
de protection du revenu global des producteurs agricoles
qui cible des personnes physiques qui travaillent
dans une ferme familiale ou à dimension humaine,
c’est-à-dire une entreprise qui nécessite
le travail d’au plus quatre personnes. Par ailleurs,
la Commission est d’avis que l’industrie
porcine québécoise doit continuer de
satisfaire les exigences actuelles des consommateurs
en matière d’innocuité et de compétitivité
des prix et s’ouvrir rapidement à leurs
préoccupations émergentes, notamment
celles qui sont relatives au bien-être animal,
de même qu’à la présence,
dans l’alimentation animale, d’organismes
génétiquement modifiés et de
farines carnées.
Sur le plan écologique, le respect de la capacité
de support du milieu à l’échelle
du bassin versant et le déploiement de solutions
durables aux problèmes de surplus des fumiers
et des lisiers sont essentiels. Par souci d’équité,
les mesures d’écoconditionnalité
visant le respect des lois et des règlements
en matière d’environnement devront s’appliquer
rapidement pour s’assurer que seules les entreprises
agricoles conformes puissent recevoir de l’aide
gouvernementale.
Considérant l’eau de surface et les milieux
riverains, la Commission juge que l’établissement
de bandes riveraines adaptées aux caractéristiques
du milieu est essentiel pour en assurer la protection
adéquate. Le ministère de l’Environnement
doit prendre les mesures nécessaires pour s’assurer
de l’application de la Politique de protection
des rives, du littoral et des plaines inondables
en zone agricole. En ce qui concerne l’eau potable,
une attention et un contrôle accrus doivent
être apportés aux épandages de
fertilisants et de pesticides à proximité
des puits afin de mieux les protéger et de
réduire les risques pour la santé. La
Commission préconise aussi l’intensification
du suivi de la qualité de l’eau de surface
exercé par le ministère de l’Environnement
en zone agricole et, particulièrement, dans
les secteurs importants de production porcine.
Le ministère de l’Environnement devrait
développer rapidement une série d’indicateurs
qui permettront d’évaluer l’état
de l’environnement biophysique et social en
milieu agricole et l’impact des activités
agricoles sur l’environnement, en plus des indicateurs
de conformité au Règlement sur les
exploitations agricoles qui sont déjà
prévus.
Afin de favoriser la durabilité de la production
porcine et son intégration dans la société,
il convient de favoriser le lien au sol et, ainsi,
de valoriser l’utilisation des fumiers et des
lisiers qui sont naturellement des engrais. Cependant,
le lien au sol ne doit pas se faire au détriment
du maintien d’une superficie adéquate
du couvert forestier à l’échelle
d’un bassin versant.
La Commission propose une série de mesures
qu’elle a regroupées sous la forme de
14 constats, de 54 avis portant sur les grandes actions
à poser afin d’inscrire la production
porcine dans le développement durable et de
58 recommandations précisant des mesures plus
spécifiques qui devraient être prises
à cette fin.
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Sources :
Daniel Bérubé, conseiller en communication
et
Alexandra Dufresne, conseillère en communication
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